Le travail, c'est la santé ? Oui, mais encore faut-il que l’environnement de travail y soit propice! Et c’est ce que démontrent désormais les chercheurs-euses dans le domaine.
Nous connaissons la notion d’absentéisme : un-e employé-e ne se présentant pas au travail de façon répétée. C’est facilement identifiable et mesurable. Mais le présentéisme? Ce phénomène est beaucoup moins facile à dépister, et pourtant très répandu dans le monde du travail. Mme Caroline Biron, M. Ps., Ph.D., de l’université Laval, nous a présenté dans un webinaire les résultats de recherches toutes récentes qu’elle a menées sur le sujet avec son équipe. On peut désormais répertorier ce phénomène en plusieurs catégories différentes. Pour le définir simplement, il s’agit de se présenter au travail malgré un problème de santé physique ou psychologique, qui nécessiterait de prendre du repos ou de s’absenter1.
Ce phénomène peut non seulement coûter cher à la santé de la personne concernée quand elle tombe dans l’excès, mais peut aussi coûter cher à l’entreprise : baisse de productivité, dégradation des relations avec les collègues, voire les client-e-s, diminution ou perte de profits, etc.
Dans une étude2,3, Maria Karanika-Murray et Caroline Biron proposent quatre types de présentéisme : le présentéisme fonctionnel, thérapeutique, dysfonctionnel et surengagé. Les niveaux de santé et de performance de l’employé-e en sont les deux critères principaux déterminants.
Présentéisme fonctionnel
Avec le présentéisme fonctionnel, la performance et la santé sont relativement bonnes. Il pourrait s’agir, par exemple, d’un-e employé-e souffrant d’une maladie bénigne, comme un rhume, qui se présente au travail tout en maintenant une bonne performance sans mettre sa santé en jeu. Ce type de présentéisme dépend de la disponibilité des ressources et celui-ci est possible lorsque les conditions de travail sont favorables, permettant aux employé-e-s d’ajuster leur performance tout en préservant ou en améliorant leur santé.
Présentéisme thérapeutique
Le présentéisme thérapeutique implique qu’un-e employé-e n’arrive pas à performer au travail, malgré une faible atteinte à sa santé. Par exemple, un-e employé-e trouve refuge au travail et choisit de travailler pour l’aider à oublier ses problèmes personnels. Nous pouvons penser à un pair-aidant qui doit soutenir un-e membre de sa famille et qui se présente au travail. Dans cette situation, si son environnement de travail est bienveillant, le fait de se présenter au travail et de maintenir des liens sociaux pourrait avoir une valeur thérapeutique et même l’aider à minimiser les conséquences sur sa santé à long terme.
Présentéisme surengagé
Avec le présentéisme surengagé, l’employé-e performe au travail au détriment de sa santé. Le désir de maintenir un certain niveau de performance malgré des problèmes de santé (détresse psychologique, accompagnée de troubles du sommeil par exemple) empêche l’employé-e de récupérer, ce qui peut le/la mener à l’épuisement professionnel à long terme.
Présentéisme dysfonctionnel
Avec le présentéisme dysfonctionnel, à la fois la performance et la santé de l’employé-e se détériorent, la dégradation de l’une pouvant avoir des impacts sur l’autre. Ce type de présentéisme présente un potentiel élevé d'absentéisme pour cause de maladie et/ou une détérioration de la santé future de la personne.
À mesure que le stress au travail augmente, le présentéisme peut avoir des conséquences négatives sur la santé des employé-e-s, ainsi que sur l’organisation, en entraînant de l’absentéisme et des pertes de productivité importantes. Toutefois, comme nous avons vu avec le présentéisme fonctionnel et thérapeutique, se présenter au travail malade lorsque le climat de travail est favorable n’est pas nécessairement mauvais pour la santé, au contraire!
Rendre son lieu de travail propice à la santé, chacun-e à son niveau
Mais alors, à qui incombe la responsabilité de développer ce climat favorable à la santé du personnel? La réponse est simple : à toutes les parties prenantes! De l’intéressé-e lui-même, à la haute direction, en passant par les gestionnaires et les collègues. Chacun à notre niveau, nous avons le pouvoir d’agir pour rendre le climat de travail sain, être à l’écoute, et développer un espace de sécurité psychologique. Dans certains cas, un climat sain et bienveillant (qui place une grande importance aux enjeux liés à la santé mentale) pourrait même contribuer à favoriser une guérison, ou à développer un sentiment de mieux-être d’un-e employé-e. Une culture de confiance et d’ouverture peut également encourager l’employé-e à utiliser les ressources appropriées sans crainte de jugement ou de représailles.
Comment le déceler?
Comme dans bien des domaines, la clé est la communication. Or le message envoyé est parfois très subtil, voire caché, par peur d’être stigmatisé, de faire aveu de faiblesse, d’être perçu comme celui qui ne pourra pas remplir ses objectifs. Caroline Biron nous rappelle pourtant qu’une personne en détresse psychologique restant au travail aujourd’hui (en présentéisme dysfonctionnel) risque de devenir encore plus malade demain. Voilà pourquoi, si l'on veut éviter d'en arriver là, la bienveillance est si importante. Bien communiquer, c’est aussi savoir écouter, lire les signaux et y répondre en se préoccupant sincèrement de l’autre. Le point de départ est de constater tout changement de comportement, aussi minime soit-il. Quelques exemples de signes détecteurs : baisse de concentration, irritabilité, fatigue, augmentation du nombre d’erreurs… Restons donc vigilants envers ces messages subtils.
Pour finir, gardons en tête que nous avons tous-tes notre part à jouer pour entretenir la santé de tous-tes. Les expert-e-s sont unanimes : rester attentifs-ves les un-e-s aux autres, et travailler à maintenir un espace de sécurité psychologique font partie des ingrédients essentiels de la recette gagnante.
Pour en savoir plus, voici d'autres ressources à consulter en complément d'informations :
Le présentéisme, un indicateur non négligeable des risques psychosociaux au travail (RPS)
Calculs des coûts directs et indirects de la non-santé
Les coûts liés à la non-santé dans votre organisation
Sources :