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Risques psychosociaux : quels sont les risques ciblés par la Loi modernisant le régime SST ?

Adoptée en 2021, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) impose désormais aux employeurs québécois de mesurer et de mettre en place des actions pour prévenir les risques psychosociaux (RPS) au sein de leur organisation. Pour se conformer à cette loi et protéger la santé et le mieux-être des employé-e-s, il est important de comprendre en quoi consistent les RPS, pourquoi ils méritent notre attention et comment les prévenir ou les réduire.

POUR RÉDIGER CET ARTICLE, NOUS AVONS BÉNÉFICIÉ DU SOUTIEN ET DU PARTAGE DE CONNAISSANCES DE LA CHERCHEUSE MAHÉE GILBERT-OUIMET, DE L'UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À RIMOUSKI (UQAR). 

Selon l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les risques psychosociaux du travail sont des « facteurs qui sont liés à l’organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d’emploi et aux relations sociales et qui augmentent la probabilité d’engendrer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des personnes exposées ».

Dans cet article, nous nous référerons à la classification proposée par la CNESST. Parmi les RPS identifiés comme prioritaires, on retrouve : 

  1. Le harcèlement au travail ;

  2. La violence en milieu de travail

  3. La violence conjugale ou familiale sur les lieux de travail ;

  4. La violence à caractère sexuel en milieu de travail ;

  5. L’exposition à un événement potentiellement traumatique.

Viennent s’ajouter à ceux-ci les facteurs de risques psychosociaux identifiés par la CNESST :

  1. Une faible autonomie décisionnelle

  2. Une charge de travail insuffisante ou trop élevée ;

  3. Une justice organisationnelle déficiente ;

  4. Une faible reconnaissance au travail ;

  5. Un faible soutien des collègues et des gestionnaires au travail.

Les risques psychosociaux liés au travail

  1. Le harcèlement au travail 

Selon la CNESST, le harcèlement au travail désigne « toute conduite vexatoire (abusive, humiliante, blessante) qui se manifeste par des paroles, des gestes ou des comportements qui sont répétés, sont hostiles (agressifs, menaçants) ou non désirés, portent atteinte à la dignité (c’est-à-dire au respect, à l’amour-propre) ou à l’intégrité (à l’équilibre physique, psychologique ou émotif) de la personne et rendent le milieu de travail néfaste pour elle ».

Il peut prendre différentes formes et peut entraîner des conséquences graves sur la santé globale des victimes. Les différents types de harcèlement incluent le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel, le harcèlement discriminatoire, ainsi que le harcèlement par cyberintimidation. Comme le mentionne la CNESST, ces comportements peuvent survenir à tous les niveaux hiérarchiques d’une entreprise : entre gestionnaires, entre collègues, entre gestionnaires et membres du personnel, ou encore de la part de la clientèle, des patient-e-s ou des usager-ère-s. Par ailleurs, une seule conduite grave peut aussi être considérée comme du harcèlement, si celle-ci entraîne des conséquences négatives et durables pour la personne qui en est victime.

Exemples de pistes de solution : 

  • Mettre en place une politique claire de tolérance zéro du harcèlement ;

  • Offrir des formations sur les compétences interpersonnelles ;

  • Veiller à la création d’un environnement de travail sécuritaire et respectueux ;

  • Promouvoir une culture de travail saine et positive ;

  • Organiser un cours en communication non-violente ;

  • Offrir de la formation sur la civilité et la résolution de conflits ;

  • Intervenir immédiatement sur les situations de harcèlement.

  1. La violence en milieu de travail 

La violence en milieu de travail se réfère à « tout acte ou comportement agressif, d’ordre physique ou psychologique », comme le mentionne la CNESST dans sa définition. Ce sont des actes qui peuvent causer des préjudices, des traumatismes ou encore des dommages psychologiques aux employé-e-s. Cette violence peut également prendre différentes formes, allant des agressions physiques et des comportements menaçants aux intimidations verbales.

Il est donc particulièrement important de reconnaître certains facteurs pouvant augmenter le risque de violence en milieu de travail (ex : le travail avec un public, l’inspection ou l’application de règlements, le travail communautaire ou service de soins à domicile, etc.), indique la CNESST. Par le fait même, notons les secteurs de la santé, de l’éducation ou encore de la sécurité publique comme étant des secteurs plus à risque. 

De plus, la présence d’autres risques psychosociaux, comme la surcharge de travail et le manque de soutien, peut aussi accroître la violence au travail. Notons également que cette violence peut survenir de plusieurs sources : les collègues, les client-e-s ou encore les supérieur-e-s hiérarchiques. 

Exemples de pistes de solution : 

  • Appliquer une politique de tolérance zéro de la violence ;

  • Agir rapidement et de manière appropriée lors de situations de violence au travail (ex. déployer une enquête interne) ;

  • Former et sensibiliser le personnel à la gestion des conflits et à la communication non-violente ;

  • Communiquer ouvertement en faisant preuve de bienveillance pour contribuer à prévenir les conflits et à résoudre les problèmes avant qu'ils ne dégénèrent en violence ;

  • Sécuriser le lieu de travail pour dissuader la violence et ainsi protéger les employé-e-s (ex. installer des caméras de surveillance).

  1. La violence conjugale ou familiale

La violence conjugale ou familiale en milieu de travail peut être définie comme « toute situation où la violence exercée au sein de la sphère intime ou familiale d’un individu affecte son environnement professionnel, que ce soit directement ou indirectement. Elle peut inclure des abus physiques, psychologiques, sexuels, financiers ou verbaux perpétrés par un-e partenaire intime ou un-e membre de la famille » (définition libre formulée à partir des éléments d’information de la CNESST et ceux figurant dans la Politique d’intervention en matière de violence conjugale : prévenir, dépister, contrer la violence conjugale du Gouvernement du Québec publiée en 1995). 

Cette violence peut se manifester par des comportements de harcèlement sur le lieu de travail (par téléphone, courriel ou en personne). De plus, elle peut entraîner des impacts indirects, tels que le stress, l’anxiété, l’absentéisme ou une baisse de productivité. 

Comme l’indique la CNESST, la violence conjugale ou familiale est un risque pouvant être présent dans tous les milieux de travail, sans distinction. Ce type de violence peut ainsi également avoir une incidence sur le milieu de travail de cette personne, pouvant non seulement toucher les employé-e-s directement concerné-e-s, mais aussi leurs collègues et l'ensemble de l'organisation.

Exemples de pistes de solution : 

  • Appliquer une politique de tolérance zéro de la violence ;

  • Installer un système de surveillance (ex. caméra) et de boutons de panique ;

  • Mettre en place des mesures et des procédures de prévention et de gestion des situations de violence;

  • Offrir du soutien aux victimes ;

  • Former et sensibiliser le personnel.

  1. La violence à caractère sexuel en milieu de travail

La violence à caractère sexuel en milieu de travail désigne toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée (CNESST). 

La violence à caractère sexuel peut se manifester dans les activités sociales liées au travail et représente un potentiel risque dans n’importe quel milieu de travail. Elle touche principalement les femmes, mais les hommes peuvent aussi en être victimes. 

Exemples de pistes de solution : 

  • Élaborer et diffuser une politique écrite qui définit la violence à caractère sexuel, les comportements inacceptables et les sanctions associées ;

  • Offrir des ateliers pratiques sur le consentement et la prévention des violences en milieu professionnel ;

  • Proposer plusieurs canaux de signalement (en personne, en ligne ou via une ligne d’assistance externe par exemple) ;

  • Garder la confidentialité et, autant que possible, offrir la protection contre les représailles pour les personnes qui signalent des incidents ;

  • Imposer des sanctions proportionnées aux actes, pouvant aller jusqu’au congédiement dans les cas graves.

  1. L’exposition à un événement potentiellement traumatique

Un événement à potentiel traumatique en milieu de travail est défini, selon la CNESST, comme « un événement présentant une menace à la vie ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne, comme une menace de mort, une blessure grave, de la violence sexuelle ou encore, dans certains cas, un décès ».

De plus, comme la CNESST le précise, « une personne peut être exposée à un événement potentiellement traumatique de différentes façons dans le contexte de son travail, par exemple :

  • Être victime de l’événement ;
  • Être témoin de l’événement ;
  • Apprendre qu’un-e proche a été exposé-e à un événement potentiellement traumatique; 
  • Être exposé-e de manière répétée à des détails d’un événement potentiellement traumatique ».

 

Exemples de pistes de solution : 

  • Évaluation des risques et intervention précoce ;

  • Formation à la gestion des conflits ;

  • Politiques anti-harcèlement et anti-discrimination ; 

  • Soutien psychologique ;

  • Communication transparente ;

  • Plans d'urgence et de sécurité ;

  • Formation en gestion du stress et en premiers soins psychologiques.

 

Qu’il s’agisse de harcèlement, de violence ou d’événement à potentiel traumatique, il est essentiel de mentionner ici qu’une personne peut en être victime ou témoin, et dans les deux cas, des répercussions négatives peuvent être engendrées.

Les facteurs de risques psychosociaux liés au travail

  1. L’autonomie décisionnelle 

Selon Karasek, l’autonomie décisionnelle est l’une des deux dimensions de la latitude décisionnelle et se réfère à la possibilité de prendre des décisions concernant son travail et de faire preuve de créativité. Elle fait donc référence au degré de liberté et de contrôle qu'un-e travailleur-euse a sur ses tâches, ses responsabilités et la manière dont il/elle les accomplit. Elle encourage l’initiative, l’utilisation de la créativité et le développement des habiletés. Des effets négatifs sur la santé globale d’un-e employé-e peuvent être rapidement observés en cas de latitude décisionnelle trop faible (frustration, démotivation, sentiment de dévalorisation, etc.) ou trop excessive (ex : stress lié à la surcharge de responsabilités, manque de soutien en cas de besoin, risque d'isolement, etc.). 

Exemples de pistes de solution : 

  • Valoriser la prise d’initiatives, la créativité et le développement de compétences ;

  • Accorder une certaine autonomie aux employé-e-s par rapport aux méthodes de travail ;

  • Instaurer un climat de confiance encourageant à prendre des initiatives et exprimer des idées ;

  • Offrir une/des formation(s) adéquate(s) ;

  • Informer et consulter le personnel.

  1. La charge de travail 

Selon Karasek, la charge de travail se décline en cinq volets différents

  • La quantité de travail qu'un-e employé-e doit accomplir dans un laps de temps alloué ; 
  • La complexité et l'intensité des tâches qui lui sont confiées ;
  • Les contraintes de temps qui lui sont imposées ;
  • Les demandes contradictoires au sein d’un même travail auxquelles il/elle peut être confronté-e ;
  • Les imprévus ou interruptions fréquentes

La gestion de la charge de travail est donc cruciale pour la santé des employé-e-s, leur productivité et la qualité du travail. Une charge de travail trop élevée ou, à l’inverse, trop peu élevée, représente un facteur de risque pouvant se retrouver dans tous les milieux de travail

De plus, comme l’indique l’INSPQ, « la charge de travail comporte une dimension subjective, puisque chaque travailleur-euse peut la percevoir et la ressentir différemment. Dès lors, elle doit être abordée de façon globale en tenant compte de la complexité du travail réel, des demandes formelles et informelles qui sont faites aux travailleurs-euses, des ressources et des outils mis à la disposition pour réaliser le travail, du temps disponible et des imprévus que l’on ne peut pas toujours prévoir et qui ont un impact sur la charge de travail ».

Exemples de pistes de solution : 

  • Organiser des réunions d’équipe régulières, notamment pour discuter des objectifs à atteindre, des ressources nécessaires et des obstacles envisagés ou rencontrés ;

  • Évaluer les méthodes, les procédures ainsi que les outils de travail afin d'en assurer l’efficacité et l’efficience ;

  • Élaborer une politique de déconnexion ;

  • Réserver des périodes planifiées sans rencontre pour limiter les interruptions ;

  • Consulter et former le personnel sur la gestion de la charge de travail, du temps et des priorités.

  1. La justice organisationnelle 

La justice organisationnelle désigne l’ensemble des règles et des normes sociales qui régissent la répartition des ressources et des avantages (justice distributive), les processus et procédures encadrant cette répartition (justice procédurale) ainsi que les relations interpersonnelles au sein de l’organisation (justice interactionnelle) (Folger et Cropanzano, 1998).

Afin de mieux comprendre les différentes formes de justices dont il est question : 

  • La justice distributive fait référence à la perception d'équité dans la répartition des ressources, des récompenses et des responsabilités au sein d’une organisation, incluant les salaires, les promotions et les opportunités ;
  • La justice procédurale englobe les modes de prise de décision dans l’organisation et leur application ainsi que le degré de justice, de transparence et d’impartialité avec lequel les processus organisationnels et les pratiques de gestion sont appliqués (ex. horaires, vacances, promotions) ;
  • La justice interactionnelle concerne la manière dont les individus sont traités sur le plan interpersonnel, notamment en termes de dignité, de politesse et de respect.

La perception de la justice et de l'équité organisationnelle peut contribuer au bien-être et à la santé des employé-e-s d’une organisation. De cette manière, un sentiment d'injustice peut par exemple entraîner des conséquences négatives sur la motivation, l'engagement et la santé mentale, ou encore créer des tensions entre collègues et réduire le sentiment d'appartenance à l'organisation.

Exemples de pistes de solution : 

  • Implanter des politiques et des procédures cohérentes et impartiales ;

  • Adopter un style de gestion inclusif, reposant sur la concertation et la participation du personnel ;

  • Maintenir une communication régulière et transparente avec le personnel ;

  • Favoriser une culture organisationnelle inclusive, où les différences sont valorisées et respectées ;

  • Promouvoir la transparence et l'équité dans les politiques de rémunération et les processus d'évaluation.

  1. La reconnaissance au travail 

La reconnaissance en milieu de travail désigne l'appréciation et la valorisation, formelle ou informelle, des contributions, des réalisations et des efforts des employé-e-s au sein de leur organisation. Selon Siegrist, la reconnaissance au travail comporte trois dimensions : le respect et l’estime, la sécurité d’emploi et les perspectives de promotion et la rémunération

La reconnaissance joue également un rôle important dans la motivation, la satisfaction au travail, la fidélisation et la rétention des employé-e-s et la création d'un climat de travail sain. De plus, « les pratiques de reconnaissance doivent être authentiques pour que les personnes envers qui elles sont destinées en ressentent les effets positifs » (INSPQ, 2022). 

Exemples de pistes de solution : 

  • Favoriser une culture de reconnaissance ;

    • Organiser une journée des “mercis”, un mois de la reconnaissance ou encore un Gala annuel de reconnaissance ;

    • Envoyer des cartes de souhaits illustrées par les employé-e-s mises à la disposition des équipes en vue de les récompenser ;

    • Encourager les retours positifs, à l’oral ou à l’écrit

  • Adopter un programme de reconnaissance formelle, tenant par exemple compte des besoins du personnel et dont les critères sont clairs et justes ;

  • Soutenir le développement professionnel et les opportunités de croissance ;

  • Miser sur la reconnaissance informelle.

  1. Le soutien au travail

Selon l’INSPQ, le soutien social en milieu de travail permet « d’établir des relations saines. Il fait référence à l’esprit d’équipe, la cohésion de groupe et la collaboration de la part des collègues et des gestionnaires dans la réalisation des tâches demandées ». Il existe plusieurs formes de soutien : opérationnel (ex. aider à finaliser un projet pour respecter l’échéance), informationnel (ex. répondre aux questions à la suite de l’implantation d’un nouveau logiciel) et émotionnel (ex. offrir de l’écoute et de l’encouragement face à un enjeu). 

Un fort soutien social en milieu de travail est associé à de nombreux avantages, tant pour les employé-e-s que pour l'organisation : cohésion d’équipe, amélioration du moral, réduction du roulement de personnel, etc. À l’inverse, le faible soutien des collègues et des gestionnaires peut avoir des effets négatifs tels que l’augmentation du stress, du taux d’absentéisme, l’isolement et la solitude, ou encore une baisse de productivité, créativité et d’innovation.

Exemples de pistes de solution : 

  • Promouvoir la collaboration ;

  • Renforcer la cohésion d’équipe en organisant des activités sociales ;

  • Fournir du soutien à l’ensemble du personnel en proposant, par exemple, un programme de pairs aidants (ou sentinelles) ;

  • Accorder du temps pour des activités de type « team building » durant les heures régulières de travail afin de favoriser le développement des relations de travail positives ; 

  • Encourager la communication ouverte, notamment en offrant un espace où le personnel peut se réunir (virtuellement ou non) de façon informelle.

*Les différents exemples cités dans cet article sont issus du « Répertoire des pratiques organisationnelles pour réduire les risques psychosociaux du travail » ainsi que de certaines pratiques mises en place par nos entreprises membres et les organisations lauréates de notre concours annuel des Prix Distinction.

 

Pour en savoir plus, voici d'autres ressources que vous pouvez consulter en complément d'informations:

- Prévenir proactivement les risques psychosociaux grâce aux soft skills

- Pistes d'action sur les pratiques en prévention des risques psychosociaux (RPS)

- Prévenir les risques psychosociaux du travail : par où commencer ?

- Risques psychosociaux : quels sont les risques « émergents » ?
 

 


Sources : 

- Gilbert-Ouimet, M. (co-première auteure), Hervieux, V. (copremière auteure), Truchon, M., Bernard, G., Thibeault, J., et Lachapelle, É. (2024). Répertoire des pratiques organisationnelles pour réduire les risques psychosociaux du travail. Université du Québec à Rimouski, Université Laval.

- CNESST : Risques psychosociaux liés au travail 

- INSPQ : Charge de travail

- INSPQ : Reconnaissance au travail

- INSPQ : Autonomie décisionnelle

- INSPQ : Soutien social du supérieur immédiat

- INSPQ : Soutien sociale des collègues

- CNESST : Justice organisationnelle

- INSPQ : Information et communication

- CCHST : Croissance et perfectionnement
 

 

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