Lettre d'opinion par Claudia Vezeau
Dans cette lettre d'opinion, Claudia Vezeau, Directrice au développement et à l'innovation, nous offre un voyage intérieur et nous rappelle oh combien il est important de prendre soin de son être et de son âme pour être en pleine capacité et maître de soi dans toutes les sphères de sa vie.
Aujourd’hui, le répit comme forme de thérapie existe principalement dans l’écosystème de la proche aidance. Lorsque j’écris "répit" dans un moteur de recherche, le Portail Répit (2016) me retourne que c’est « un moyen qui donne la possibilité aux proches d'une personne handicapée de se reposer en la confiant à une tierce personne, que ce soit à domicile ou à l'extérieur, que ce soit pour une courte durée ou une durée plus longue, et qui peut revêtir diverses formes : court séjour, journée de loisirs, séjours de plusieurs jours pour des vacances, soirée, etc. ». Si je poursuis mes recherches, le site web de l’Appui (2024), organisme de soutien et d'écoute pour les personnes proches aidantes, définit le répit comme « l’ensemble des activités visant à diminuer le stress et la fatigue physique et émotionnelle des personnes proches
aidantes ».
Cela étant, avec l’augmentation de la proche aidance au Québec, les enjeux du vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques et des inégalités sociales de tous types, l’explosion du nombre de personnes en situation d’itinérance, les impacts sanitaires et psychologiques des changements climatiques, et finalement, le fléau actuel des troubles de santé mentale, pourquoi ne pas parler de « répit pour tous » comme solution durable et préventive de notre système de santé ?
La demande de soins dépasse grandement la capacité du système de santé à offrir des services adéquats. Il est au bord du précipice, selon Thomas Bastien, Directeur général de l’ASPQ, dans le livre de la réduction de la maladie au Québec de l’ASPQ (2024). Nous devons donc construire un système qui priorise une approche préventive afin de se préparer à demain.
Pour vous emmener plus loin dans ma réflexion, j’aimerais vous partager mon histoire, car du répit, j’en ai eu besoin. Je n’étais pourtant pas proche aidante, mais en « burn-out ». En 2019, j’ai fait un épuisement global. C’était l’heure de mon éveil d’authenticité. L’heure de m’aimer avant tout autre être vivant. L’heure de me respecter dans ce monde à toute vitesse où la pression sociale - à ce moment - débordait de mes oreilles. Je me suis rendue à l’évidence, à contre-courant de mon conditionnement, que je ne m’identifiais plus aux valeurs de notre société de consommation excessive et de croissance économique infinie. J’avais besoin de tout (re)questionner pour mieux me reconstruire.
Avant 2019, je fonctionnais en étant sans cesse malade - rhume, sinusite, migraine ophtalmique, streptococcie, céphalée de tension, grippe, etc. Le cercle vicieux était bien ancré. Mon corps se battait contre la non-écoute et le non-respect du rythme que ma tête - jadis, mon centre de contrôle - lui infligeait. J’en suis la principale responsable, mais pas que…
Où apprenons-nous à écouter notre propre rythme ? À la maison ? À l’école ? À l’université ? À notre premier job ? Bien souvent, c’est la performance qui prime. Elle est aussi remplie d’histoires qu’on se raconte. « Performer » gonfle nos égos en taisant notre réelle identité. Elle ne laisse pas de place pour se poser les bonnes questions, pour s’observer, pour accepter notre vulnérabilité et notre unicité.
Effectivement, selon la chercheure américaine Brené Brown (2023), nous sommes un peuple anxieux et bon nombre d’entre nous ont très peu de tolérance à la vulnérabilité. Cette peur nous paralyse et nous empêche d’évoluer et de nous outiller pour faire face aux changements. Une aptitude pourtant très importante dans notre contexte actuel.
Enfin, le corps est un outil puissant que nous utilisons très peu. Sans ses signaux, je crois que je ne serais plus vivante aujourd’hui. C’est grâce à cette anatomie humaine, cette structure intelligente, que je n’ai pas eu le choix de m’arrêter, car après deux mois de migraines sans interruption, je ne pouvais plus lever un doigt. J’étais épuisée et en douleur. Je ne résonnais plus avec moi-même.
Devant le fait accompli, j’ai dû m’arrêter. J’ai dû annoncer à mon entourage que je n’étais plus capable. Que j’étais brûlée. Que j’étais en « burn-out ». Un mot qu’on n’ose pas s’admettre, pour moi et pour plusieurs autres personnes.
Afin de me relever, j’ai dû apprendre ce qu’était le répit. C’est venu intuitivement. J’ai tout arrêté durant 6 mois, un long 6 mois. J’ai cessé toutes formes d’activités sociales, j’ai dormi, j’ai réfléchi, j’ai écrit, j’ai pleuré (énormément), j’ai fait beaucoup de sport, je me suis imprégnée des bienfaits de la nature à maintes reprises, etc. Je me suis concentrée uniquement sur ma santé, mon bien-être. Je me suis aussi posé la question « de quoi ai-je envie ? » plusieurs fois par jour. C’était nouveau pour moi. Découvrir mes vrais besoins.
Le répit, pour soi et dans une approche préventive de sa santé globale, pourrait donc être présenté comme un moment d’arrêt afin de prendre le temps de considérer une situation, notre passé, notre histoire et de mieux s’observer dans nos états d’être, notre fatigue, notre colère… Mieux comprendre ce qui doit changer et évoluer. Comment avoir de l’empathie pour ce qui se passe autour de nous, si nous n’avons pas la capacité d’en avoir pour nous-mêmes ? Et, finalement, trouver des pistes d’actions afin d’apporter un changement positif et durable dans notre vie.
La psychiatre Elisabeth Kubler-Ross dit : « Les gens sont comme des verrières. Ils scintillent et brillent en présence du soleil, mais quand la noirceur tombe, leur beauté n’est révélée que s’il y a de la lumière à l’intérieur ». Le répit est un moment de ralentissement afin de retrouver cette dite lumière. C’est cette énergie qui nous guide vers une vie remplie, pleine de gratitude.
En conclusion, s’offrir du répit, ce n’est pas des vacances. C’est un moment préparé, conscient et préventif. En recherchant l’étymologie du mot répit, je m’y suis vraiment retrouvée : du mot latin « respectus », il signifie « action de regarder en arrière », « égard, considération » et « recours, refuge ». Aujourd’hui, je prends plusieurs jours de ma banque de journées de vacances pour m’offrir du répit. Et plusieurs week-ends sous le même thème. C’est un outil ancré dans ma routine trimestrielle - au minimum. C’est un mode de vie qui me permet de garder une santé globale optimale. Depuis que j’ai intégré cet outil puissant dans ma vie, je ne peux vous dire la dernière fois que j’ai été malade. Je touche du bois. Et je suis beaucoup plus heureuse et épanouie.
Pour construire une société résiliente et en santé, je suis convaincue que le « répit pour tous » fait partie de la réponse ; autant par la proche aidance que par notre auto-bienveillance (la proche aidance que l’on se donne). Ainsi, serions-nous mieux équipé-e-s pour gratifier notre propre vie et celles des autres ? Être sur le chemin de devenir de meilleurs humains, pour nous, les autres (dont les générations futures) et notre environnement - notre habitat, la Terre.
Demain, je rêve que le système de santé soit décentralisé. Je rêve que les organisations y jouent un rôle proactif en prévention primaire notamment. Et je rêve que tous les milieux de travail ajoutent des journées/semaines de répit pour leurs employé-e-s – proches aidants oui, mais pas que - dans leur liste d’avantages sociaux et qu'ils soient accompagné-e-s pour le faire. Pour cela, nous devons prendre un grand virage collectif, en débutant par notre propre transformation.
Cette lettre d'opinion est un contenu extrait de la 16e édition de notre magazine. Vous pouvez la consulter dans son intégralité en cliquant sur le lien suivant : Le 16ème numéro de notre magazine est disponible