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Santé mentale masculine : un paradoxe complexe

Par Sébastien Dubessy

Lorsque l’on parle de santé des hommes, les premiers éléments évoqués sont souvent les problèmes de santé physique, notamment les cancers masculins, qui touchent des dizaines de milliers d’hommes chaque année. Ces maladies sont des fléaux à combattre hardiment, mais elles ne sont malheureusement pas les seuls problèmes auxquels les hommes font face. 
En effet, les troubles de santé mentale touchent de nombreux hommes canadiens chaque année, entre autres, au travers de leurs milieux de travail. 
À l’occasion du mois de novembre et du mouvement « Movember », œuvrant pour la santé des hommes, nous avons tenté d’en apprendre davantage sur la santé mentale masculine.
 

Image par cottonbro studio, Pixabay. 

1 – État de santé mentale des hommes canadiens

Où en est la santé mentale des hommes canadiens ? 

Certaines données recueillies par Statistique Canada à la fin de l’année 2022 nous permettent d’en savoir plus à ce sujet. 
D’après ces chiffres, la moitié des hommes (50 %) âgés de 15 ans et plus ont déclaré avoir une excellente ou une très bonne santé mentale. Dans la proportion restante, environ un tiers (32 %) des hommes ont déclaré avoir une bonne santé mentale, et 17 % ont indiqué avoir une santé mentale passable ou mauvaise.
Le fait de vivre seul ou accompagné pourrait également influencer la santé mentale des hommes :

  • « Plus de la moitié (55 %) des hommes mariés ou en union libre ont déclaré avoir une excellente ou une très bonne santé mentale, alors que moins de la moitié (43 %) des hommes célibataires ont dit la même chose. ».
  • « De même, à l’automne 2022, les hommes vivant avec d’autres personnes (51 %) étaient plus susceptibles que ceux vivant seuls (42 %) de déclarer une excellente ou une très bonne santé mentale. ».

Enfin, d’autres données de Statistique Canada (portant sur le troisième trimestre de 2023 et diffusé en mars 2024) permettent de comparer la santé mentale des hommes et des femmes canadien.ne.s.

D’après ces chiffres, 21,2 % des femmes canadiennes déclarent avoir une santé mentale perçue comme passable ou mauvaise, contre 18 % pour les hommes canadiens.


Quel est l’impact des milieux de travail sur la santé mentale des travailleur·euse·s ?

D’après la CNESST, les risques psychosociaux au travail, comme le harcèlement (psychologique ou sexuel), peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé mentale des travailleur·euse·s.
Ils peuvent notamment entraîner des problèmes de santé psychologique tels que l’anxiété, la dépression ou encore des problèmes de consommation (alcoolisme, toxicomanie).


En termes de chiffres, plus de 4 millions de Canadien·ne·s ont déclaré éprouver des niveaux de stress liés au travail élevés ou très élevés, soit 21,2 % des personnes en emploi (Cadre statistique pour la mesure de la qualité de l’emploi, 2023).
Les causes les plus courantes incluent une lourde charge de travail (23,7 % des personnes en emploi) ainsi que la conciliation travail/vie personnelle (15,7 % des personnes en emploi).
Enfin, toujours d’après ces données, les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de subir des niveaux de stress élevés ou très élevés au travail (22,7 % contre 19,7 %).

 

2 – Le paradoxe des chiffres

Les données mentionnées ainsi que plusieurs autres études montrent que les hommes sont sous-représentés dans les statistiques des personnes souffrant de problèmes de santé mentale, alors qu’ils sont pourtant sur-représentés dans les statistiques relatives au suicide.
En effet, sur les 4 000 décès par suicide estimés chaque année au Canada, près de 75 % sont des hommes (Données sur le suicide au Canada, 2020, Agence de la santé publique du Canada). Des chiffres troublants et complexes à expliquer. Seraient-ils dus au fait que les hommes parlent moins de leurs problèmes de santé mentale ?


Dans un entretien avec Pénélope McQuade de Radio-Canada, le professeur agrégé au Département de psychiatrie de l’Université McGill et auteur du livre La santé mentale au masculin, Robert E. Whitley, associe cette idée au fait de « blâmer la victime » :

  • « C’est vrai que les hommes ont tendance à être obstinés, intransigeants face à une maladie mentale, mais plusieurs études montrent que les hommes qui se suicident ont consulté plusieurs professionnel.le.s de santé (psychologues, infirmier.ère.s…) au cours de leurs six derniers mois de vie, ils ont donc parlé de leurs problèmes. ».
  • « Mais il y a un autre élément : les personnes qui souffrent de maladies mentales craignent les répercussions et les conséquences. Au travail, elles pensent que leurs supérieur.e.s vont les stigmatiser, avoir peur, et ne pas leur offrir de promotions, par exemple. ».

Il évoque également l’idée d’un syndrome dépressif spécifique aux hommes, avec des signes et des comportements différents :
« Les critères de dépression traditionnels sont généralement liés à la tristesse et à l’isolement… Mais une nouvelle théorie mentionne désormais un syndrome dépressif spécifique aux hommes, caractérisé par de l’irritabilité, de l’agressivité ou encore des comportements à risques comme la conduite à haute vitesse, l’abus d’alcool… »

Des éléments qui pourraient potentiellement expliquer certaines différences dans les diagnostics.

 

3 – Comment aider les hommes souffrant de maladies mentales

Venir en aide à un proche souffrant de problèmes de santé mentale peut être complexe.

Dans une infographie évoquant le lien entre les taux élevés de suicide chez les hommes et leur santé mentale, la Commission de la santé mentale du Canada mentionne plusieurs éléments pouvant aider à réduire les risques de suicide, notamment :
•    Redéfinir la masculinité (en encourageant les proches à déconstruire les stéréotypes liés au genre et à la demande d’aide)
•    Garder le contact avec les hommes ayant vécu des ruptures relationnelles
•    Se renseigner sur les signes de dépression chez les hommes

Fournir des milieux de travail sains et sécuritaires sur le plan psychologique peut également contribuer à favoriser le bien-être et la santé mentale de l’ensemble travailleur·euse·s.
L’INSPQ mentionne d’ailleurs différentes mesures pour agir à divers niveaux de la maladie :
•    En amont : réduction de la charge de travail, consultation dans les décisions, valorisation des efforts.
•    À un stade précoce de la maladie : ateliers sur la gestion du temps, formations sur la gestion du stress.
•    Pour diminuer les récidives ou limiter les complications : programmes d’aide aux employé·e·s, politiques de retour au travail.

Enfin, voici également plusieurs ressources qui peuvent vous aider, que vous soyez un homme en situation de détresse mentale ou un proche voulant offrir son soutien :
•    Le numéro Info-Social 811 ou la ligne d’aide et de prévention du suicide 1 866 277-3553
•    Le site web du mouvement « Movember », en particulier la section « Votre santé ».


Sources : 

 

 

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