Par Zeineb Khalfallah
Selon une récente étude sur le bien-être au travail menée par William Fleming, chercheur à l’Université d’Oxford, les initiatives en santé/mieux-être au travail (SMET) n’auraient aucun impact sur la santé mentale des employé-e-s.
À première vue, la conclusion de cette étude viendrait contredire notre mission au Groupe entreprises en santé, qui est de soutenir les leaders à construire des environnements de travail favorables à une culture de santé et mieux-être au travail. Et pourtant, cela ne fait que confirmer l’importance de mettre en place une démarche structurée claire, aboutissant à des initiatives alignées avec les besoins des employé-e-s.
Image par kp yamu Jayanath de Pixabay.
Retour sur l’étude publiée par l’Université d’Oxford
Publiée en janvier 2024, l’étude ayant attiré notre attention révèle que les solutions numériques de bien-être proposées par les employeurs (exemples : les applications de méditation, les séminaires de développement personnel ou les séances de coaching), n’ont pas ou peu d’impact sur le bien-être des employé-e-s.
Pour parvenir à cette conclusion, celle-ci a été menée auprès de 46 000 salarié-e-s dans 233 entreprises du secteur industriel et des services, et ce entre 2017 et 2018. Parmi ces individu-e-s, 5 000 employé-e-s avaient pris part à au moins une initiative visant à promouvoir le bien-être sur leur lieu de travail au cours de l'année. De plus, ces initiatives en santé/mieux-être au travail étaient notamment classées dans différentes catégories, parmi lesquelles :
- Bénévolat ou travail caritatif ;
- Cours ou programmes de pleine conscience, de résilience, d'énergie ou de gestion du stress ;
- Application bien-être sur un large éventail de questions relatives à la santé physique, à la santé mentale et au mode de vie ;
- Cours ou programmes de massage ou de relaxation ;
- Formation à la gestion de la charge de travail ou du temps ;
- Programmes de bien-être financier ;
- Etc.
À la suite de son analyse, le chercheur n'a observé aucune différence significative entre la santé mentale de ces employé-e-s et celle des salarié-e-s qui n'avaient pas participé à de telles activités, exception faite pour le travail caritatif. « Si les employés souhaitent avoir accès à des applications de pleine conscience, à des programmes d’amélioration du sommeil et à des applications de bien-être, il n'y a rien de mal à cela », a souligné William Fleming au New York Times. « Mais si vous essayez sérieusement de favoriser le bien-être des employés, cela doit concerner les pratiques de travail ».
C’est également ce qu’affirme Ashley Savard Lamothe, conseillère en santé et mieux-être au travail au Groupe entreprises en santé et titulaire d’une maîtrise en santé publique : « Les actions ponctuelles ou celles qui sont considérées comme tendances n’ont pas d’impact réel sur le bien-être des employé-e-s à moins qu’elles ne fassent partie d’une plus grande démarche de santé globale intégrée dans la culture de l’organisation. Afin d’avoir un réel impact sur bien-être des employé-e-s, il est essentiel d’agir sur l’environnement et la culture organisationnelle, et de ne pas se limiter à des initiatives ponctuelles ou à celles qui ne visent que les individu-e-s. ».
Agir sur la santé globale des employé-e-s
À la lumière des conclusions de cette étude, nous comprenons aisément que les séminaires de développement personnel et les applications de pleine conscience peuvent être efficaces, oui, mais doivent nécessairement faire partie d’une démarche SMET structurée. Qui plus est, ces initiatives ne s’adressent qu’à un seul élément de la santé globale, à savoir la santé psychologique. Or, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) la santé globale est « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Pour améliorer la santé des collaborateurs-trices, il est donc important d’avoir une vision holistique et d’agir sur différents aspects de la santé : santé psychologique, santé physique, santé sociale et santé spirituelle (sens au travail/quête de sens). La santé et le mieux-être au travail amélioreraient non seulement la saine performance des équipes de travail, mais aussi leur créativité et leur engagement.
Et pour cause… La dernière enquête du McKinsey Health Institute, publiée en novembre 2023 et menée auprès de plus de 30 000 employé-e-s dans 30 pays, appuie cette vision puisqu’elle a révélé que les salarié-e-s ayant vécu des expériences professionnelles positives font état d'une meilleure santé globale, sont plus créatifs-ives au travail et ont de meilleures performances professionnelles. Afin de calculer la moyenne de santé globale au travail, McKinsey Health Institute a pris en compte 4 dimensions : la santé mentale, la santé physique, la santé spirituelle et la santé sociale, et a recommandé d’agir sur différents acteurs de prévention de l’épuisement professionnel, à savoir : la flexibilité, le sens au travail, l’apprentissage, la sécurité psychologique, l’engagement et l’entraide entre collègues.
Agir sur les 4 sphères d’intervention en santé/mieux-être au travail
Enfin, selon Statistique Canada, 21,2 % de l'ensemble des travailleurs-euses éprouvent des niveaux de stress au travail élevés ou très élevés. Les causes les plus courantes de ce stress étaient une lourde charge de travail (23,7 %), ainsi que la conciliation du travail et de la vie personnelle (15,7 %). Les femmes (22,7 %) sont d’ailleurs plus susceptibles d'éprouver des niveaux de stress élevés que leurs homologues hommes (19,7 %).
Ces données confirment, une fois de plus, les conclusions de l’étude publiée par l’Université d’Oxford qui met en avant l’importance de revoir ses pratiques de gestion (politique de déconnexion, charge de travail, etc.) et sa politique de conciliation travail/vie personnelle (horaires flexibles, congés personnels, télétravail, etc.), en plus d’investir dans la promotion des saines habitudes de vie (gestion du stress, sommeil, alimentation, etc.).
Importance également soulignée par le Dr Mario Messier, directeur scientifique au Groupe entreprises en santé, qui recommande d'agir sur les 4 sphères d’intervention (cf. les saines habitudes de vie, l’environnement de travail, la conciliation travail/vie personnelle et les pratiques de gestion) connues pour leur impact sur la santé globale du personnel :
« Les interventions de type individuel seront comme des coups d’épée dans l’eau si elles ne s’accompagnent pas d’interventions de type organisationnel. C’est un des principaux facteurs de succès que le Groupe entreprises en santé promeut depuis 20 ans, à savoir la mise en place d’une démarche intégrée, qui comprend des actions au niveau individuel et organisationnel. C’est d’ailleurs sur ce principe fondamental, basé sur les 4 sphères d’intervention, que s’appuient la Reconnaissance et la Norme Entreprise en santé »
Pour conclure, il est primordial que les responsables de projet en santé et mieux-être au travail mettent en place des actions basées sur une démarche SMET structurée et qui touchent aux différentes dimensions de la santé. En agissant de la sorte, les milieux de travail seront davantage en mesure d’avoir un impact réel et significatif sur le quotidien de leurs employé-e-s.