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Lauréats 2024 : projet pilote prometteur au CISSS des Laurentides

Dans le cadre de notre concours des Prix Distinction 2023-2024, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides a remporté la 1re place dans la catégorie Grandes entreprises – Santé et mieux-être psychologiques. Au cœur de cette reconnaissance se trouve un projet pilote novateur : l'autogestion des horaires de travail. Dans cette entrevue exclusive, Julie Messier, conseillère cadre et chargée de projet, nous dévoile les coulisses de cette initiative.

Le CISSS des Laurentides, fruit du regroupement de 13 établissements, est certifié à la norme Entreprise en santé depuis 2020. Il représente le plus grand employeur des Laurentides, avec plus de 18 000 employé-e-s réparti-e-s sur un vaste territoire de plus de 20 000 km2, offrant une gamme complète de soins et services en santé. Cette certification, délivrée par le Bureau de normalisation du Québec, témoigne de l'engagement de l'organisation envers le bien-être de son personnel.

Pour en savoir plus sur le projet pilote déployé au sein de l’Unité des naissances de l’Hôpital de Saint-Eustache, nous avons eu le plaisir de discuter avec Julie Messier, conseillère cadre et chargée de projet GIHT-Équipe projet : Autogestion des horaires de travail. Découvrez notre entrevue en détail ci-dessous. 

Dans quel contexte ce projet pilote s’inscrit-il ? 

Dans le cadre de la démarche « Branchés santé », le CISSS des Laurentides déploie le plan d’action transversal 2022-2024 qui regroupe des actions dans les quatre sphères de la santé globale (cf. environnement de travail, pratiques de gestion, conciliation travail/vie personnelle et saines habitudes de vie). Ce plan d’action découle du sondage sur la mobilisation, la santé et le mieux-être et de l’analyse des besoins du personnel. 

Faisant ressortir des priorités concernant la conciliation travail/vie personnelle, une des actions vise à implanter des projets touchant la flexibilité des horaires. L’Unité des naissances de l'Hôpital de Saint-Eustache a déployé un projet pilote d'autogestion des horaires de travail.

En quoi consiste ce projet pilote exactement ? 

Dans ce projet, l’une des premières phases a été de déployer les horaires atypiques (quarts de 12 heures) dédiés aux 98 employé-e-s (infirmières et infirmière auxiliaires) de l’Unité des naissances de l’Hôpital Saint-Eustache. Ce qui a fait en sorte de diminuer en bonne partie le taux d’absentéisme et le recours au temps supplémentaire et temps supplémentaire obligatoire (TSO). Ensuite, le projet pilote d'autogestion des horaires de travail a permis aux employé-e-s de participer activement à l’élaboration de leurs horaires, tout en tenant compte des demandes des autres membres de l'équipe, des besoins identifiés par le gestionnaire.

Avec le déploiement de ce projet pilote, l'employé-e est partie prenante de l’élaboration de son horaire de travail, des décisions qui le concernent et développe son implication et son autonomie dans la recherche de solutions lors de quarts non comblés. 

Dès le départ, les objectifs poursuivis avec ce projet pilote étaient multiples :

  • Développer une culture de collaboration avec les employé-e-s afin de maximiser leur présence au travail ;
  • Rétablir un équilibre entre le travail et la vie personnelle ;
  • Favoriser leur rétention et l’attraction de nouveaux employé-e-s ;
  • Obtenir une prévisibilité des horaires de travail. 

Comment décririez-vous la réalité de l’Unité des naissances de l’Hôpital de Saint-Eustache avant la mise en place de ce projet pilote ? 

Avant la mise en place du projet, en 2020 et 2021, cette unité de soins faisait face à divers défis. L’équipe était confrontée à un climat de travail difficile, caractérisé par un manque de personnel et des postes non comblés. Le haut taux de temps supplémentaire, les difficultés de recrutement et le manque d'expertise requise pour travailler en obstétrique, ainsi que les départs répétés d'employé-e-s, étaient autant d’enjeux qui affectaient grandement les risques psychosociaux, le climat d'équipe et l'insatisfaction des conditions de travail du personnel. Les gestionnaires de l’époque travaillaient étroitement avec le personnel pour tenter d'améliorer la situation, mais cela n'était pas suffisant.

Lorsque Julie Sigouin est devenue la nouvelle gestionnaire, elle a mis en place un comité de travail pour adresser ces problèmes. Comme mentionné plus haut, l'un des premiers objectifs était de revoir les stratégies de la gestion des horaires (entre autres en offrant des horaires atypiques 12 h aux employés ou avec possibilité de travailler une fin de semaine sur trois). Ensuite, à la suite d’une directive ministérielle, le projet pilote d'autogestion des horaires a été lancé. Ce projet a été accueilli avec enthousiasme par l'équipe. La gestionnaire a été accompagnée et supportée par des membres de l’équipe des ressources humaines dans le processus. Il y a eu des réunions d'employé-e-s, des formations, des rencontres avec les assistant-es ainsi que des consultations avec le syndicat. Le déploiement de l'autogestion des horaires de travail a eu lieu en décembre 2022, et depuis, cela fonctionne efficacement.

Comment décririez-vous la réalité actuelle au sein de cette même unité de soins ?

Cette transition vers une gestion plus collaborative a été significative. L’équipe travaille ensemble de manière proactive pour produire les horaires, rechercher des solutions en cas de postes vacants, réduire le temps supplémentaire obligatoire (TSO) et créer un climat dans lequel règne un fort sentiment de satisfaction.

Bien sûr, il y a toujours des hauts et des bas, mais globalement, la situation s'est considérablement améliorée par rapport au départ. Les employé-e-s expriment maintenant un réel plaisir à travailler dans cette unité, soulignant la collaboration, les échanges et la communication constante qui ont été instaurés depuis la mise en place du projet. Les résultats des sondages de satisfaction montrent une nette amélioration des indicateurs, démontrant ainsi le succès de cette initiative dans l'amélioration de la réalité de l'unité des naissances de l'hôpital.

Cette nouvelle réalité a été saluée par plusieurs membres de l'équipe, dont la gestionnaire, qui témoigne d'un haut niveau de bonheur au travail. 

Julie Sigouin mentionne : « Au sein de notre unité aujourd'hui, nous avons réussi à créer une atmosphère de travail dont nous sommes fiers-ères. La collaboration et la réussite de notre équipe ont grandement amélioré le climat de travail. Nous avons abandonné les pratiques antérieures de course contre la montre pour combler les postes et les quarts de travail, et nous avons adopté une approche de gestion beaucoup plus collaborative. Même si rien n’est parfait, plusieurs employées mentionnent que nous avons de la chance d’appartenir à une unité où règne le bonheur ». 

Quels ont été les principaux enjeux rencontrés lors de la mise en place de ce projet ?

Il est vrai que nous avons dû faire face à une certaine résistance au changement. Passer d'une gestion traditionnelle à une approche plus collaborative et informatisée a nécessité une adaptation de la part de l'équipe. Cette transition a été particulièrement délicate pour certain-e-s membres du personnel, notamment ceux/celles moins familier-ères avec les technologies informatiques.

En plus de la résistance au changement, nous avons également dû composer avec une série d'autres défis. Les changements constants dans le domaine des soins de santé, y compris les évolutions dans les techniques et les besoins des usager(ères), ont ajouté une complexité supplémentaire à la mise en œuvre du projet.

Un autre enjeu majeur a été de responsabiliser les employé-e-s dans la gestion de leurs propres horaires. Ce changement de dynamique entre employé-e et employeur a nécessité un ajustement des attitudes et des pratiques de gestion. Cependant, cela a également permis de renforcer le sentiment de responsabilité chez les employé-e-s et de favoriser une meilleure gestion des ressources humaines.

Bien que le projet pilote ait été initialement déployé pour les infirmiers-ères, nous avons l'intention de l'étendre à d'autres professions de la santé. Cela nécessitera une approche adaptée à chaque groupe professionnel pour assurer une mise en œuvre efficace.

Enfin, un défi majeur a été de stabiliser les équipes de travail. Avant la mise en place du projet, il y avait un fort taux de roulement du personnel, ce qui affectait la continuité des soins. Cependant, grâce à l'autogestion des horaires et à d'autres initiatives, nous avons réussi à consolider les équipes.

Quelles retombées avez-vous pu observer et mesurer à la suite du déploiement de ce projet ? 

Nous avons extrait plusieurs indicateurs de gestion avant et après le projet (2021-2022 et 2022-2023). En voici les principaux :

  • Taux de participation au projet pilote : 100 % des 98 employé-e-s ;
  • Temps supplémentaire : diminution de moitié ;
  • Temps supplémentaire obligatoire : diminution de 451 h à 5 h ;

En ce qui concerne les résultats de notre sondage de satisfaction des employé-e-s réalisé avant et après l’implantation du projet, voici quelques-uns des résultats obtenus :

  • Taux de satisfaction au travail : 72 % à 96 %;
  • Taux de satisfaction des relations entre les membres de l'équipe : de 69 % à 91 %;
  • Organisation du travail : 66 % à 96 %;
  • Sentiment d'appartenance au service : 73 % à 98 %;
  • Taux de satisfaction de la communication au sein de l'équipe maintenant à 93 %.

Dans l’ensemble, nous pouvons également noter : 

  • Une amélioration de la présence au travail et un climat d'équipe collaboratif;
  • Une diminution de l'assurance salaire, des absences ponctuelles, des quarts non comblés, du temps supplémentaire (TS), du temps supplémentaire obligatoire (TSO) et du nombre de départ d'employé-e-s;
  • L’attraction de nouveaux talents ainsi que le retour d'employé-e-s détenant de l'expertise;
  • Une meilleure adéquation travail et vie personnelle par la flexibilité de la conception de leur horaire de travail;
  • L’implication du personnel dans la recherche de solution et responsabilisation envers l'équipe;
  • La diminution du temps consacré par le gestionnaire à la gestion des horaires.

Comment imaginez-vous la suite de ce projet au sein du CISSS des Laurentides ? 

Le CISSS des Laurentides est certifié Entreprise en santé. Nous nous démarquons par le déploiement d’un plan d’action innovant en santé organisationnelle. C’est la démarche structurée Branchés santé qui en est la porteuse. Le tout se déploie autour de quatre sphères : saines habitudes de vie, pratiques de gestion, conciliation travail-vie personnelle et environnement de travail.  

À la lumière des résultats concluants et prometteurs de ce projet-pilote et des orientations attendues du MSSS, nous sommes en train d’exporter cette stratégie dans l’ensemble des secteurs 24/7 de l’établissement. En plus de réduire les risques psychosociaux et de favoriser l’autonomie décisionnelle, ce projet vise une meilleure expérience-employée, un taux de présence au travail plus élevé et une plus grande rétention de la main-d’œuvre. 

Ainsi, depuis janvier, nous avons déjà mis en place des outils et des formations pour accompagner ce déploiement, et nous sommes déterminé-e-s à poursuivre cette initiative. En plus de l'autogestion des horaires, d'autres mesures telles que les horaires atypiques ou le télétravail contribuent également à aider la conciliation travail/vie personnelle pour notre personnel. Il est donc clair que différentes approches peuvent être combinées pour répondre aux besoins diversifiés du personnel. 

Y a-t-il des obstacles à sa mise en place dans certains services selon vous ? 

Comme pour le démarrage du projet pilote, nous identifions quelques obstacles potentiels à sa mise en place dans certains services : 

  • Difficultés liées à l’utilisation des outils informatiques nécessaires à l'autogestion des horaires pouvant être rencontrées par certain-e-s membres du personnel qui y sont moins familiers-ères;
  • Résistance au changement, aussi bien de la part des employé-e-s que des gestionnaires. Le changement de dynamique dans la gestion des horaires peut être perçu comme une perte de pouvoir pour certain-e-s, ce qui peut générer de la réticence;
  • Contraintes financières telles que l’acquisition du module Virtuo, nous allons opter pour des outils d’accompagnement simples, à l’aide de vidéos et marches à suivre accessibles sur intranet ou sur notre site internet, donc il n’y aura plus nécessairement de formation de groupe.

De quoi êtes-vous le plus fier ? 

Déployer des mesures flexibles au niveau des horaires de travail dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et dans un service qui assure des soins 24 heures/jour et 7 jours/semaine est un grand défi. Le changement de culture vers une gestion de proximité ainsi qu'une approche plus humaine et favorisant les communications furent essentiels au succès du projet. La gestionnaire a été à l'écoute des demandes et de ses employé-e-s et les a soutenu-e-s dans leurs réalisations.

De plus, en misant sur la recherche de solutions conjointes avec les employé-e-s de l’unité des naissances et en comptant sur la confiance mutuelle dans l’atteinte d’un objectif commun, cette unité a su se distinguer. Les résultats, notamment au niveau de la réduction de l’absentéisme, du temps supplémentaire (TS) et supplémentaire obligatoire (TSO) sont exceptionnels. En l’espace de 24 mois, ce secteur à risque est devenu un secteur privilégié où l’attraction n’est plus à démontrer.

Nous souhaitons beaucoup de succès à Julie Messier, Julie Sigouin et l’ensemble de leurs collègues dans la mise en place de l’autogestion des horaires de travail au sein du CISSS des Laurentides.  

 


Si vous aussi, vous aimeriez partager vos différentes initiatives en santé/mieux-être au travail (SMET) au sein de votre organisation, voici deux belles manières de le faire :

  • Participer à la prochaine édition de notre concours des Prix Distinction 
  • Devenir membre pour bénéficier de nombreux conseils et avantages et ainsi mettre en valeur vos accomplissements 


 

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